Texte de Gaston Puel.
Les morsures qui ont meurtri le papier (Arches) du petit livre, ces pressions, qui précèdent la fausse
couverture, annoncent l’emprise que Bernard Alligand entend imprimer non sur le poème mais sur l’objet qui le contient. Il signe déjà cet ascendant formel de son travail qui, sur la page suivante s’engage en une expression créatrice : un crépi finement bleuté qu’un frottis de vernis pourpre transmue en graffito. Sur un fond légèrement filandreux un ensemble de lentilles bleues est écorché par du plâtre. Enfin, une pâte jaune d’or s’accommode d’une énorme tâche de sang séché : leur entrelacement les scelle.
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Le poème est escorté. Il s’enroule dans une mélodie heurtée qui le colore. Ainsi l’art d’un peintre se fond en un espace modeste et décisif en des interventions concrètes. Chaque page gouvernée est le lieu d’une réaction sensible qui engage l’artiste. Bernard Alligand est l’autre poète du livre. Ses mains enfouies dans le sable d’un désert en ramènent toujours la lumière qui s’y était endormie.
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Gaston Puel. Nov. 2008
Gaston Puel, né à Castres dans le Tarn le 6/03/1924 et mort à Saint Jean en Haute-Garonne le 4/06/2013, est un poète français. Alors qu’il n’a guère plus de 20 ans, il fait la rencontre à la Libération de Joë Bousquet, André Breton et René Char avec lesquels il correspond. Dès 1947, il participe aux activités du groupe surréaliste. En 1950, il s’éloigne du surréalisme tout en restant en bons termes avec André Breton. Il y crée son atelier d’imprimerie et fonde en 1961 les éditions de La fenêtre ardente. Il publiera des œuvres de Pierre Albert-Birot, Joë Bousquet, René Char, Pierre-André Benoit, Jean Grenier, Pierre Gabriel, Jean Malrieu et sera à l’origine de « Livres d’artistes » : Arp, Ernst, Miro, Dubuffet, Raoul Ubac, Staritsky… En 1971, il dirige aux U.S.A. deux séminaires à l’Université du Maryland, l’un sur René Char, l’autre sur Claude Simon. Il est l’auteur d’une trentaine de recueils, mais aussi d’essais dont un ouvrage en 1962 sur Lucien Becker dans la collection Poètes d’aujourd’hui des éditions Seghers.1967 Prix Max-Jacob.
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