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OEUVRES BIBLIOPHILIQUES

Photo du rédacteur: RédactionRédaction

Dernière mise à jour : 19 août 2021

Autant que les voyages, autant que les lumières des paysages, autant que les couleurs ou profondeurs de la matière, le verbe des poètes nourrit l’œuvre de Bernard Alligand. Les seize livres d’artiste venus enrichir l’œuvre bibliophilique présenté début 2009 à la Bibliothèque municipale d’Angers témoignent des nouveaux échos, ou plutôt éclats de lumières, que la poésie fait naître chez Bernard Alligand.

Les évolutions récentes de l’ensemble de l’œuvre peint et gravé décelées dans les pages précédentes par Jean-Pierre Geay s’y manifestent. Des recherches nouvelles s’y découvrent aussi.

Ces dernières années, Bernard Alligand a poursuivi son dialogue en de fidèles amitiés, avec Michel Butor, Jean-Pierre Geay, Sigurdur Pálsson, Gaston Puel et Tita Reut. Mais son œuvre s’est aussi étoffée de nouvelles rencontres, avec Régine Détambel, Roch-Gérard Salager ainsi qu’avec Robert Marteau (1925-2011) pour mettre en lumière une de ses toutes dernières œuvres. Le format, à la japonaise ou en feuillets pliés non coupés sur lesquels se prolongent sans discontinuer les interventions de l’artiste, illustrent combien Bernard Alligand veut saisir l’œuvre poétique dans son ensemble pour en préserver l’unité. L’harmonie de la composition poétique et artistique s’est particulièrement exprimée dans Remontant le fleuve où l’écriture même de Michel Butor s’est coulée au milieu d’interventions antérieures de Bernard Alligand sur la page vierge.

L’empreinte de ses récents voyages se retrouve dans ces dernières créations bibliophiliques. Un hommage à l’Egypte est rendu conjointement avec Michel Butor par l’évocation du mythe d’Isis dans La restauration du corps féminin tandis que les collages de laves d’Islande se saisissent des poèmes de Sigurdur Pálsson.

Surtout, la gamme chromatique abandonne peu à peu les harmonies antérieures de jaunes, rouges et bleus ciel au profit de quelques verts violents, et surtout de dominantes rouges et noirs, de bleu nuit ou de verts éteints qui sont comme un héritage islandais que Bernard Alligand adapte aussi bien aux nordiques Iles et presqu’îles qu’à la méridionale Terre d’ombre brûlée de Gaston Puel.

Par delà ce changement, la constante exploration des modulations de la lumière dans l’épaisseur de la matière se poursuit dans les gaufrages du papier — comme au crible parfois —, dans les collages de minéraux ou dans les subtiles et très nouvelles grisailles blanche puis bleue du Cygne de Gaston Puel. Bernard Alligand explore aussi

de nouvelles techniques au service des jeux de transparence et de superposition qui façonnent depuis longtemps son œuvre. Plus que par les collages de dentelles de la Lampe secrète de Tita Reut, ces dernières années se distinguent par ces photographies numériques pixellisées dont l’impression sur calque crée des fonds insaisissables dont s’élèvent les songes nostalgiques ou inquiets qui illustrent les poèmes de Butor et de Salager. Enfin, l’artiste a réservé à ses trois nouveaux poètes des rehauts d’or et d’argent où se joue parfaitement la lumière, d’une façon tout à fait inédite dans ses œuvres précédentes. Les petits carreaux d’argent d’Ecoute bien déjà sont comme d’impénétrables miroirs pour qui veut discerner « parmi les décombres et l’abondance des souvenirs ».

Tout le tragique du Torero blessé par la cornada qui pénètre d’un puissant gaufrage dans la profondeur du papier se concentre dans ces rehauts d’or qui éclaboussent l’arène et font disparaître les habits de lumières dans le scintillement d’une flaque de sang. Les voies nouvelles qu’emprunte l’œuvre bibliophilique de Bernard Alligand justifient une nouvelle présentation au public angevin. Les exemplaires « de chapelle » manuscrit et les maquettes préparatoires de ses œuvres que l’artiste donne progressivement à la Bibliothèque municipale d’Angers font saisir plus encore la poésie de son art. C’est une chance que de pouvoir les tenir à Angers à disposition du public.


Marc-Edouard Gautier

Conservateur des fonds patrimoniaux. Bibliothèque municipale d’Angers




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